Tiques et maladie de Lyme

La maladie de Lyme est une zoonose, c'est-à-dire une affection transmise par un vecteur à l'homme et dans ce cas particulier par une tique. Les tiques peuvent transmettre de nombreuses autres maladies mais nous traiterons uniquement la maladie de Lyme et surtout les tiques qui intéressent nos régions et celles du sud de l'Europe.

DEFINITION.

La maladie de Lyme est provoquée par un vecteur qui est un arthropode hématophage qui assure la transmission, biologique ou mécanique active d'un agent infectieux, d'un vertébré à un autre vertébré.

Données explicatives sur les Tiques.

Infection du vertébré à la tique :
Les tiques sont des acariens.
Elles appartiennent aux arthropodes ectoparasites hématophages qui se nourrissent du sang de mammifères, d'oiseaux ou de reptiles. Nous nous intéresserons aux tiques spécifiques de la maladie de Lyme, c'est-à-dire des Ixodidae.

Les IXODIDAE.

Ces tiques ont un corps non segmenté formé de deux parties. À l'avant le gnathosome ou capitulum. À l'arrière l'idiosome formé d'une cuticule souple et extensible permettant la réplétion; Sur la face dorsale se trouve une plaque, le scutum,dont la taille est variable selon le sexe et les espèces. Les pattes sont formés de six segments : coxa, trochanter-fémur, patelle, tibia, tarse terminé par une ventouse (pulville) et deux griffes.
La première paire de pattes porte l'organe de Haller. Cet organe sensoriel situé dans une dépression du tarse est sensible à la fois au degré d'hygrométrie, aux phéromones, aux gaz carbonique, aux métabolites exhalés par les ruminants, à l'acide lactique etc…. Il sert d'organe olfactif à la tique. Les poils sont sensibles aux vibrations et aux changements de température. Les pédipalpes, eux aussi, ont un rôle sensoriel, ils possèdent des chémorécepteurs c'est à dire des éléments sensibles aux stimulations chimiques. Les pièces buccales sont constituées par les chélicères et l'hypostome.Les chélicères servent à percer et à dilacérer les tissus. Elles permettent ainsi la pénétration de l'hypostome qui s'ancre solidement dans les tissus grâce à ses dents placées sur la face ventrale.

Le cycle évolutif des Ixodidae se déroule en trois phases :

a) de l'ŒUF naît une LARVE hexapode infra millimétrique à peine perceptible à l'œil nu.
Aprés s'être fixée quelques jours sur un vertébré pour se gorger lentement de sang, elle se laisse tomber sur le sol pour digérer et muer…

b) en une NYMPHE octopode mesurant environ un millimètre à jeun. Le deuxième repas de sang est pris dans les mêmes conditions de durée. La nymphe repue mesure alors deux mm, elle se détache et tombe au sol pour muer…

c) en une TIQUE adulte de 3 à 4 mm. La femelle, après copulation, devra une dernière fois se gorger de sang, jusqu'à prendre la taille d'un petit pois. Ce repas lui permettra de pondre de 1000 à 20000 œufs, selon l'espèce ingérée, avant de se dessécher et mourir. Le mâle ne se nourrit pratiquement pas ou très peu. Les tiques qui intéressent la maladie de Lyme, à la différence des autres arthropodes hématophages, ne disposent pas de moyens de déplacement importants. Les tiques exophiles sont en majorité des tiques dures. Elles passent l'essentiel de leur temps à survivre au sol, attendant de rencontrer un hôte à leur convenance. Dans cette optique, elles ont développé une stratégie de détection à distance, qui revêt la plus grande importance. Dés que la tique perçoit les effluves de son hôte, elle s'active pour aller se poster à l'affût au sommet d'une brindille. La rencontre avec l'hôte est conditionnée par sa densité de population aussi bien que par la dimension du biotope. Les tiques ne provoquent donc que rarement de réelles épidémies, comme en 1975 dans le comté de Lyme dans le Connecticut aux USA; mais leur pollution associé aux changements de mode de vie sont à l'origine de cas d'infections sporadiques de plus en plus fréquents.
L'activité d'ixodides Ricinus est conditionnée par les heures chaudes de la journée, par des températures entre 7 et 25°C. Elles sont pratiquement inactives pour des températures inférieures; elles entrent dans une sorte de diapose lorsque la chaleur est intense et l'hygrométrie basse. De ce fait dans le quart Nord-Est de la France, leur activité s'étend de mai à octobre, avec une accalmie en juillet-aout. Une activité unimodale peut cependant être rencontrée dans les zones où les conditions climatiques sont moins favorables. Le risque de contracter une maladie de Lyme en Alsace ou en Lorraine, est de toute façon très limité de janvier à février. Lors de nombreuses promenades à DABO, en Lorraine, ma petite fille est souvent revenue couverte de tiques ce qui est très fréquent dans cette région. Les tiques peuvent transmettre beaucoup d'autres maladies comme la Tularémie,les Rickettsioses, la Fièvre boutonneuse méditerranéenne, LA Tibola, la Fièvre Q, les Bartonelloses, certaines viroses liées aux morsures, les Babésioses etc…..

Signes Cliniques de la maladie de LYME :

La borréliose de Lyme est une maladie infectieuse, non contagieuse, due à une bactérie de la famille des spirochetaceae, Borrelia Burgdorferi, transmise par des tiques du genre Ixodes .C'est une maladie émergente, c'est-à-dire lorsque son incidence humaine s'est accrue durant les deux dernières décennies ou qu'elle est en passe de s'accroître dans un avenir proche. D'ailleurs une autre de mes petites filles, ex championne de France de concours complet, passait ses journées en compagnie de son cheval et a contracté une rickettsiose dont le vecteur était les tiques de son cheval ou des autres chevaux du club qu'elle fréquentait. Le premier signe et surtout le plus fréquent, est l'Èrythème Chronique migrant de Lipschutz ou la méningo-encéphalite des français Garin et Bujadoux dont les idées du début du siècle,ont été reprises aux Ètats Unis quand, deux mères de famille de Old Lyme dans le Connecticut,inquiétées par une série de 39 cas d'arthrites inflammatoires juvéniles,alertèrent les autorités sanitaires américaines en 1975. Un rhumatologue de l'université de Yale entreprit alors une étude rétrospective de 51 cas des arthrites de Lyme en 1976. Il établit leur aspect épidémique,la relation avec les morsures de tiques qui précédaient la symptomatologie dans de nombreux cas,et l'atténuation par antibiothérapie. Le Professeur A.Steere évoqua alors une hypothèse infectieuse et fit le rapprochement avec les formes neurologiques et dermatologiques européennes. En 1982 un entomologiste médical, W.Burgdorfer, examine l'intestin de tiques prélevées en zone endémique de maladie de Lyme. Il y trouve des spirochètes et suppose immédiatement qu'il pourrait s'agir de l'agent de la maladie. Il décide alors de poursuivre ses recherches en inoculant une mise en culture de ces spirochètes à des lapins qui développent alors un Èrythème chronique Migrant 10 à 12 semaines plus tard. En son honneur la bactérie sera nommée Borrelia Burgdorferi. A.Steere isole la bactérie du sang et de biopsies de peau de patients atteints de la maladie de Lyme. En résumé l'agent responsable est une bactérie, un spirochète. Cette bactérie est mince et longue, caractérisée par des mouvements de rotation et de translation. Elle mesure 4 à 30 microns de long,d'un diamètre de 0,18 à 0,25 microns. Plusieurs espèces de borrélies, actuellement désignées sous le terme de groupe burgdorferi ou Borrelia burgdorferi sont impliqués dans cette infection.

Trois de ces espèces sont pathogènes pour l' homme.
Aux Ètats-Unis, il s'agit de Borrelia burgdorferi.
En Europe, à cette espèce, s'en ajoutent deux autres : Borrelia garinii et Borrelia afzelii. On retrouve une spécificité d'impact: Borrelia burgdorferi dans les manifestations arthritiques Borrelia garinii dans les manifestations neurologiques Borrelia afzelii dans les manifestations cutanées tardives : l'acrodermatite chronique atrophique.
Après la morsure indolore de la tique,le spirochète diffuse dans la peau et, par l'intermédiaire de la salive de la tique ,parfois dans le sang et les tissus, et va alors entraîner une maladie protéiforme qui doit être rapidement traitée par antibiotiques.
La maladie de Lyme ou borréliose de Lyme, classée actuellement maladie émergente,semble en progression aux USA, et ce, en dépit des difficultés de diagnostic.

Comment se présente la maladie de LYME :

1°) Phase primaire localisée :
Après une incubation de 2 à 32 jours, on assiste à l'apparition d'un ÈRYTHÈME CHRONIQUE MIGRANT (EMC) centré par la morsure de la tique. Cette lésion initiale maculaire rouge et arrondie se propage de façon centrifuge, alors que le centre s'éclaircit. Elle n'est pas douloureuse, en principe, et dure 21 jours. Au début sa dénomination de chronique n'est pas adaptée, puisque cet érythème guérit spontanément en quelques semaines. On le constate, surtout en Europe, au cours de l'été. Il siège souvent dans la partie inférieure du corps. Des formes cliniques variées peuvent exister, sans décoloration du centre, squameuses ou très étendues. L'évolution spontanée vers la guérison est parfois trompeuse car dans certains cas le patient va être exposé à voir apparaître les manifestations secondaires et tertiaires de la maladie. Au cours de cette phase des signes généraux sont présents avec de la fièvre, une asthénie, un malaise général, alors que l'érythème migrant est toujours visible.

2°) Phase secondaire :
Elle est liée à une diffusion de certaines souches dites " invasives ". C'est parfois à ce stade que la maladie se révèle. Une fièvre inconstante s'accompagne de symptômes associés de façon variée :

a) MANIFESTATIONS CUTANÉES :
C'est le fameux érythème migrant qui prend tout son sens, car il est multiple et siège sur l'ensemble du corps à l'exception des plantes et des paumes. On voit plusieurs lésions ayant l'aspect de l'érythème du départ, et cet état évolue par poussées successives.
On peut maintenant parler d'érythème migrant.

b) MANIFESTATIONS CARDIAQUES :
Rares en Europe,elles sont principalement des troubles de la conduction (bloc auriculo-ventriculaires, sino- auriculaires, ou intra-ventricu-laires) plus rarement des péricardites ou des myocardites. Ce sont souvent les faisceaux de HIS qui sont atteints avec des troubles durythme.Il est important de pratiquer un ECG (electrocardiogramme ) chez ces malades.

c) MANIFESTATIONS RHUMATOLOGIQUES :
La maladie de Lyme a d'abord été appelée "arthrite de Lyme" car ce sont ces manifestations qui ont déclenché l'enquête épidémiologique. Les Arthralgies surviennent précocement dans le cours de la maladie. La douleur dure de quelques heures à quelques jours et touche une à plusieurs articulations.
Les ARTHRITES vraies des grosses articulations sont plus tardives (généralement deux mois après l'inoculation) et plus chroniques. Le genou est le plus atteint puis l'épaule et le coude. C'est souvent le mode de révélation de la maladie. La douleur dure de quelques heures à quelques jours et touche une à plusieurs articulations.

d) Les MANIFESTATIONS NEUROLOGIQUES.

- méningite lymphocytaire d'évolution prolongée

-Atteintes radiculaires à prédominance sensitive;
radiculites hyperalgiques résistant aux antalgiques habituels et aux anti-inflammatoires non stéroïdiens ( AINS ). Des douleurs très violentes peuvent s'associer à des paresthésies (sensations de picotement et de pseudo-paralysie ). On peut parfois douter de l'organicité de ces douleurs; ; un traitement par les antibiotiques et en particulier par les bêta lactamines a un effet spectaculaire sur ces radiculites.
- Atteintes motrices et périphériques ces paralysies asymétriques régressent en général en 6 à 8 semaines.

- Atteinte des nerfs crâniens
Paralysie faciale périphérique uni ou bilatérale simule une paralysie faciale (a frigore). Ce symptôme est semblable à celui décrit lors d'une exposition prolongée de la face prés d'un ventilateur ou prés de la vitre d'une voiture en la conduisant.
Atteinte également des autres nerfs crâniens.

- Atteinte Centrale
Encéphalomyélite ou myélite pouvant simuler une sclérose en plaque ou bien une compression médullaire. L'antibiothérapie permet en général une guérison.

- Atteinte méningée
Souvent muette cliniquement, elle peut se traduire par des céphalées plus ou moins violentes.

e) Les MANIFESTATIONS OCULAIRES
Elles sont peu fréquentes

- Infiltrats cornéens parenchimateux
- Uvéïte antérieure dont l'association à des manifestations neurologiques et rhumatologiques pourraient faire égarer le diagnostic et envisager éventuellement une maladie de Behcet ou une sarcoïdose
- Papillite
- neuropathie optique ischémique antérieure aiguë ( NOIAA )
- Rarement des paralysies oculo-motrices
- Une endophtalmie

3°) Phase tertiaire

Cette phase est caractérisée par la chronicité des lésions. Le diagnostic est assez difficile en dehors des lésions comme la maladie de Pick-Herxheimer, mais il s'agira plus d'une présomption que d'une certitude. L'amélioration sous antibiotiques sera un bon élément en faveur du diagnostic.

a) Manifestations cutanées :
- C'est l'acrodermatite chronique atrophiante ou maladie de PICK-HERXHEIMER. La lésion cutanée, initialement localisée, s'étend progressivement et souvent se bilatéralise. Au début c'est un érythème,parfois cyanotique, à contours arrondis souvent mal limités qui atteint principalement les membres inférieurs. La lésion devient petit à petit atrophique et entraîne la mise à nu du système veineux. -

- LYMPHOCYTOME BENIN CUTANÉ :
C'est un nodule rouge violacé de un à deux cm de diamètre de la face, du lobule de l'oreille ou du thorax .L'aspect est parfois tumoral, avec une ressemblance lupoïde à la vitro-pression. La peau est violacée ou rouge brun.

b) Manifestations rhumatologiques :
Ce sont des arthrites évoluant sans rémission, pendant de longs mois ou années. La douleur est en général modérée. Cette arthrite (souvent du genou ) est le plus souvent isolée. La radiographie met en évidence une hypertrophie synoviale ou une hydarthrose.

c) Manifestations neurologiques
Encéphalomyélites :
.Atteintes médullaires isolées :
Paraparésies spastiques,myélite faisant évoquer une sclérose en plaque ( SEP ).
- .Atteintes cérébrales : troubles des fonctions supérieures de gravité variable.

En résumé le diagnostic de la maladie de LYME dans ses phases tardives n'est pas facile car il y a des diagnostics différentiels avec beaucoup d'autres affections comme la sclérose en plaque, la maladie d'Alzheimer, le lupus etc……La fièvre,les céphalées, l'asthénie font plutôt penser à des atteintes virales. Et inversement, et beaucoup plus fréquemment, des affections neurologiques ou arthropathiques, peuvent être rattachées, par erreur, à une maladie de Lyme. Dans ces derniers cas le traitement par antibiotiques ne donne aucun résultat.
Le diagnostic au début repose sur un examen clinique minutieux et sérieux surtout dans les zones connues comme abritant des tiques infectées.
Je n'insisterai pas sur les séro-diagnostics qui ne sont pas toujours valables et qui comportent souvent des faux positifs. En cas d'ELISA douteux, il est bon d'avoir un recours confirmatif par WESTERN- BLOT.
Les différences de poids moléculaire permettent de distinguer les différentes espèces de borrelia.

Traitement de la maladie de Lyme :

a) traitement préventif :
La prévention individuelle repose sur le port de vêtements couvrants et surtout sur l'examen soigneux de la peau après une sortie en forêt, car les nymphes ou les larves sont souvent très peu visibles après un examen rapide. Il est conseillé de porter des vêtements clairs pour mieux visualiser les tiques de couleur plus foncée, qui s'y déplacent.
L'on peut également utiliser des répulsifs ( à renouveler souvent pendant la promenade ) qui donnent de bons résultats. Les répulsifs anti- moustiques sont excellents. Les risques d'infestations sont d'autant plus faible que les tiques sont enlevées le plus tôt possible. La prévention institutionnelle devrait passer par une meilleure gestion du grand gibier, facteur d'augmentation des populations de de tiques.
Après plusieurs essais infructueux et parfois dangereux, aucun vaccin n'est actuellement disponible.

b) traitement curatif :
Certains auteurs préconisent une antibiothérapie lors de morsures de tiques. Je ne suis pas tout à fait d'accord et pour ma part je prescris des cyclines et des béta-lactamines en cas d'apparition en phase primaire d'un érythème caractéristique. A fortiori dans les phases secondaires et tertiaires où l'antibiotique de référence serait les céphalosporines de troisième génération.

Comment enlever une tique:

Certains auteurs préconisent de l'anesthésier par de l'éther. Là encore je ne suis pas d'accord car des examens ont prouvé que lors de l'application de l'anesthésique, la tique avait tendance à régurgiter, donc à accroître les risques d'infection. Il est important de retirer la tique le plus rapidement possible en s'aidant d'une pince fine et surtout le plus près possible de la peau. Il faut par ailleurs éviter le contact avec les doigts, avec la tique ou avec son régurgitat, car des petites blessures aux doigts ou autour des ongles favorise la pénétration des germes.

Docteur Charles HAIECH

Retour à la page d'accueil du site