Classification

Par Serge Poumarat

Depuis trois siècle environ, l'homme a cherché à délimiter et nommer les organismes vivants. Dans le même temps, il essaye de les organiser en un système de classification dit "naturel". La systématique recherche les affinités réelles entre les taxons actuels ou disparus et les regroupe dans un système de classification.

Nomenclature

Pour nommer une espèce ou un un groupement d'organismes quelconque, les mycologues doivent suivre des règles contenues dans un code de nomenclature botanique révisé et édité tous les quatre ans. Le dernier en date est le code de Vienne (2006).
Le code international de nomenclature botanique impose des
divisions officielles telles que "genre", "famille", "ordres" par exemple.

Systématique

La systématique essaye de regrouper ente eux les organismes tous issus d'un même et unique ancêtre dans des taxons (ensembles d'organismes vivants ou ayant vécu de même rang systématique). Pour cela elle utilise diverses méthodes dont la plus puissante à l'heure actuelle est la "cladistique".
Cette recherche est loin d'être terminée et entraîne continuellement des bouleversements dans nos connaissances et, malheureusement, aussi dans les noms des champignons. En effet, les noms de ceux-ci sont liés au genre, et il suffit que, nos connaissances s'affinant, certains genres jusque là établis sur certains critères s'avérant en définitif peu pertinents, soient reconnus polyphylétiques : toutes les espèces sensées appartenir à ce genre n'ont pas toutes le même ancêtre commun. Certaines des espèces de ce genre vont être "transférées" dans un ou plusieurs autres genres avec comme conséquences des changements de noms, certes très gênants mais traduisant notre plus grande compréhension de la nature. Par exemple, il a été prouvé récemment que quelques espèces du genre Macrolepiota (Macrolepiota rachodes, M. venenata, M. olivieri, M. brunnea...) n'ont pas d'affinités réelles, non seulement avec le genre Macrolepiota, mais aussi avec l'ensemble des Lepiotaceae. Leur vraie place est chez les Agaricaceae dans le genre Chlorophyllum avec l'espèce Chlorophyllum molybdites. Cela entraîne automatiquement les changements de nom suivants : Chlorophyllum rhachodes, Chlorophyllum venenata, etc... Bien que, normalement le genre prioritaire pour accueillir toutes ces espèces soit le genre sécotoïde Endoptycum...mais ceci est toute une autre histoire...de nomenclature!

Les grandes lignes de la classification actuelle

D'après de récentes études (A. A., 2006 ; Hibbet & al., 2007), dont Vizzini (2006) et Durrieru (2008) se sont fait récemment l'écho.

En premier lieu, certains organismes traditionnellement étudiés par les mycologues ne font plus partie des champignons (Règne des Fungi). Parmi ceux-ci :
- les Oomycetes, Hyphochytridiomycetes et Labyrinthulomycetes font partie du Règne des Chromista du Super Règne des Chromoalveolata.
- les Myxomycètes font partie du règne des Eumycetozoa du Super Règne des Amoebozoa.

Règne Fungi (du Super Règne des Opisthokonta du Sous Domaine Unikonta du Domaine Eukarya)

Organismes eucaryotes sans plastes, donc hétérotrophes, ne se nourrissant jamais par phagocytose, pas de phase amiboïde ou pseudoplasmodiale (agrégat d'amibes), à paroi squelettique contenant de la chitine et des bêta-glucanes. Synthèse de la lysine par l'intermédiaire de l'acide alpha amino adipique (A. A. A.).

Il est divisé en 7 phylums :

* Mycélium non cloisonné :  

* Mycélium cloisonné :  

    

Phylum ASCOMYCOTA
Environ 45 000 espèces

3 sous-phylum :

 

Phylum BASIDIOMYCOTA
Environ 23 000 espèces

3 sous-phylum :

3 classes :

D'abord quelques ordres primitifs :

2 sous-classes :

- Sous-classe des Phallomycetidae

- Sous-classe des Agaricomycetidae

Bibliographie :

A. A., 2006. A phylogeny for kingdom Fungi, deep hypha issue. Basidiomycota. Mycologia, 98 (6) : 917-995.
DURRIEU G., 2008. La classification des champignons (4). Les Basidiomycètes. La Lettre de la SMF, 11 : 1-3.
HIBBETT D. S. & al., 2007. A higher-level phylogenetic classification of the Fungi. Mycol. Res., 111 (5) : 509-547.
VIZZINI A., 2004 (paru 2006). Il regno dei funghi : breve prospetto tassonomico. Boll. Gr. Micol. Bres., ns, 47 (3) : 47-57.

L'exemple de la classe des Agaricomycetes nous prouve qu'on ne peut pas se fier à la "bobine" des espèces d'un genre pour en tirer des conséquences systématiques. Pour s'en persuader, il suffit de regarder la liste des quelques genres appartenant à l'ordre des Agaricales, des Boletales ou des Russulales cités plus haut ou de regarder comment sont répartis les "clavaires" dans plusieurs ordres éloignés (Gomphales, Cantharellales, Agaricales). Nous savons maintenant que les anciens regroupements "Gasteromycetes", "Aphyllophorales", "Agaricomycetes" pour pratiques qu'ils étaient, sont totalement artificiels.
Il est très déroutant pour le "bon sens" de voir, par exemple, certains genres de champignons à lames comme les genres "omphaloïdes" Rickenella (
Rickenella fibula), Loreleia (Loreleia marchantiae, anciennement Omphalina marchantiae) et Contumyces (Contumyces vesuviana, anciennement Omphalina vesuviana) n'avoir aucun rapport avec le genre Omphalia, ni même avec l'ordre des Agaricales mais, par contre, avoisinés, dans l'ordre des Hymenochaetales, des espèces comme Trichaptum abietinum ou Cotylidia pannosa.
Mais aussi déroutant pour l'esprit que cela soit de prime abord, il n'est pas difficile de saisir l'explication de ces voisinages ou éloignements mise en évidence par les méthodes d'investigation modernes.
Prenons l'exemple des Agaricomycetes. La silhouette pied-chapeau-lames est un caractère archaïque, donc apparu tôt. A partir d'un lointain ancêtre commun,
à plusieurs reprises dans l'évolution, donc de manière totalement indépendante, certains Agaricomycetes ont perdu cette silhouette pour adopter un port, par exemple, résupiné avec ou sans pores (a1 et a2), ou bien clavarioïdes (b1 et b2). Dans le même temps, les autres ont gardé une silhouette proche du lointain ancêtre commun. Un petit schéma pour fixer les idées :

 

A l'heure actuelle A et D ont une morphologie très proche, ayant à peu près concervé celle de leur très lointain ancêtre commun mais sont éloignés dans l'évolution au stade actuel. B, F et G d'un côté, C et E de l'autre, ont un aspect extérieur à peu près semblable mais par simple convergence de forme, étant en réalité tout aussi éloignés les uns des autres que A et D le sont car il faut "remonter le temps fort loin pour trouver le premier ancêtre commum. Par contre, A, B et C d'une part, et D, E, F et G d'autre part, bien que de formes très dissemblables ont un premier ancêtre commun moins éloigné dans le temps donc sont proches.
Un exemple parlant de convergence de forme pris dans le monde animal : un dauphin et un requin sont très semblables de forme, ayant eu à résoudre les mêmes problèmes hydrodynamiques, mais le premier est en réalité un mammifère, le second un poisson. Et donc, aussi "déroutant" que cela puisse paraître à un regard superficiel, le dauphin est plus proche de l'homme qu'il n'est proche du requin.
De même, à plusieurs reprises dans l'évolutions, les Agaricomycetes hypogés se sont enterrés pour diverses raisons. Toutes les formes sécotioïdes et gastroïdes ont été regroupées à une époque, pour leur ressemblance (convergence de forme) dans un ensemble appelé "Gastéromycèetes". Maintenant, nous savons que leurs affinités sont, en réalité, très diverses.
En ce moment même, une espèce à lames a commencé l'aventure souterraine :
Descolea tenuipes. Les récoltes semi-épigées à silhouette classique ont été appelées Descolea rheophylla tandis que les récoltes séquestrées, totalement hypogées, ont été nommées Setchelliogaster tenuipes. La biologie moléculaire a prouvé que c'était pourtant la même espèce. Ici Descolea tenuipes est illustrée par la var. rheophylla f. oblongispora (voir NEVILLE P., POUMARAT S. & IVALDI P., 2005. Récoltes provençales de Descolea tenuipes (Setch.) Neville et Poumarat comb. nov. Etude sur la variabilité sporique. Bull. Soc. Mycol. Fr., 120 (1-4) : 51-71).
- la photo 1 montre des basidiomes étalés ou plus ou moins comprimés-déformés suivant la profondeur à laquelle ils poussent dans la litière d'eucalyptus.
- La photo 2 présente un basidiome normal pour une poussée à très faible profondeur, dans les tous premiers centimètres de la litière, et deux basidiomes presque totalement ou totalement séquestrés qui poussaient à une profondeur un peu plus grande. Tous ces basidiomes appartiennent pourtant au même individu.

Descolea tenuipes var. rheophylla f. oblongispora (photo S. Poumarat)

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